Association des Officiers de la Marine

    Historique du recrutement interne des officiers de la Marine

 
 

 

 

Sortir du rang

 

Notre camarade historien Jacques Tupet a conté en 1995 dans son mémoire consacré à l’officier de recrutement interne de la Marine l’histoire du recrutement des officiers au sein des équipages. Avant lui, en 1961, le président-fondateur de notre association, l’OCE Joseph Peleau, avait exploré les archives de la marine et reconstitué l’histoire des officiers issus des équipages.

 
  1. Naissance et croissance d’une Marine 
 
 

La recherche de l’origine du corps des officiers des équipages de la flotte conduit à remonter le cours de notre histoire maritime et à étudier l’organisation des états-majors de nos flottes aux différentes époques puis à rechercher les possibilités d’avancement à un grade d’officier qui furent accordées aux hommes sortant du rang. Le corps des officiers des équipages n’est, en effet, que l’aboutissement de l’une des diverses filières par lesquelles l’accès à l’état d’officier a été ouvert aux officiers mariniers.

Les premiers temps de notre histoire maritime sont enveloppés d’une obscurité épaisse et peu de textes concernant cette période sont parvenus jusqu’à nous. D’ailleurs, jusqu’à l’avènement de Charlemagne, la marine fut très délaissée. Avec ce grand empereur, elle se réveille pour retomber dans l’obscurité jusqu’aux croisades, où, sous Philippe-Auguste, la France possède jusqu’à 1700 vaisseaux de toutes grandeurs. C’est l’époque où, par l’annexion de la Normandie en 1204, la monarchie française prend pied sur le littoral. Mais c’est surtout de l’époque de Louis XIV que date la puissance maritime de la France.

Les historiens s’accordent à diviser l’histoire maritime d’autrefois en deux périodes distinctes : la période antérieure à Richelieu et celle qui s’étend de Richelieu à la Révolution.

Dans la première phase qui va de la moitié du Vème siècle à la fin du XVIème, nous n’avons pas de marine d’Etat, organisée et permanente, soumise au pouvoir central. Seules, quelques provinces maritimes (Normandie, Bretagne, Guyenne, Provence) entretiennent dans leurs ports quelques navires de guerre sommairement armés.

En cas de guerre, cette flotte était renforcée par la mobilisation des navires marchands ou de bâtiments empruntés à l’étranger.

Pour commander ces armements, le Gouvernement commissionnait des officiers, souvent aussi recrutés à l’étranger comme les Génois Barbavera et les deux Doria qui s’illustrèrent au service des rois de France.

Ces escadres improvisées se dissolvaient dès que le danger qui les avait créées avait disparu et peu de renseignements concernant l’organisation interne de ces flottes nous sont connus.

La deuxième phase débute avec l’arrivée au pouvoir de Richelieu qui doit être considéré comme le créateur de la grandeur maritime de la France. C’est donc seulement à partir de cette deuxième période que nous nous occuperons dans la présente étude.

 

 

RICHELIEU  Lors de l’entrée de Richelieu au conseil du Roi, en 1624, la situation de notre marine était lamentable ; tout était à créer, nous n’avions ni ports, ni navires, ni équipages. Avec énergie, le Cardinal s’attacha à nous mettre sans délai en état de nous suffire, réorganisa l’administration centrale, créa des arsenaux, acheta des navires à l’étranger et en fit mettre en chantier en France.

Jusque là, les officiers de marine, comme ceux de l’armée, étaient recrutés à peu près exclusivement parmi les nobles. Ils étaient d’ailleurs peu nombreux et l’état-major de chaque navire comprenait au maximum un capitaine, un lieutenant et un enseigne. Le capitaine n’était qu’un chef de guerre, représentant du roi à bord et on ne concevait pas à cette époque qu’il put s’occuper de besognes maritimes. Les capitaines entretenaient les navires et payaient les équipages au moyen des sommes mises à leur disposition par le Trésor. Richelieu décida qu’à l’avenir le roi prendrait la charge directe de ses vaisseaux. Pour assurer les besoins de ces navires, il recruta un certain nombre de « capitaines » de métier qu’il transforma en « officiers entretenus » en leur allouant des soldes ou pensions sur le trésor royal, alors que jadis les officiers n’étaient payés que pendant la durée de leurs affectations.

L’institution de cette solde permanente à terre comme à la mer marque la création d’un corps régulier et permanent d’officiers de vaisseau.

Les capitaines des bâtiments du roi n’avaient souvent que les honneurs du commandement et n’en eussent pu exercer les fonctions. L’ignorance des officiers en matière de navigation les plaçait parfois en humiliante situation devant la science du pilote qui devenait ainsi pratiquement le vrai commandant du bâtiment.

La navigation et la conduite du navire étaient assurées par un petit état-major d’officiers matelots (les maîtres). Toute la vie du navire reposait sur eux ; le maître du navire et le pilote étaient les vrais directeurs. Bien qu’assez peu honorés, ces professionnels faisaient la force de notre marine. Pour améliorer leur formation, Richelieu institua nos premières écoles de spécialités (Ecole d’hydrographie, de canonnage, etc.)

Mais la conduite du navire prenant une importance de plus en plus grande à la guerre, il parut bientôt impossible d’en abandonner le soin à des « subalternes » sans autorité.

En conséquence, Colbert décida d’étoffer davantage ses états-majors et de placer à côté du capitaine, du lieutenant et de l’enseigne en pied, des capitaines, des lieutenants et des enseignes en second, en troisième, etc.

Les détails de la manœuvre, pourtant, continuaient à être abandonnés aux officiers matelots de jadis, rétrogradés au rang de simples officiers mariniers, et c’était toujours eux qui prononçaient les commandements auxquels leurs supérieurs donnaient seulement l’appui de leur présence et de leur autorité.

Les vrais conducteurs du navire seront toujours jusqu’au XVIIIème siècle, non les officiers mais les pilotes.

Le rôle des officiers mariniers restait donc encore considérable et l’on comprend que Colbert se soit attaché à assurer le recrutement de ces utiles auxiliaires du commandement et à améliorer leur situation en décidant d’en entretenir et d’en commissionner un certain nombre qui constituèrent dès lors une sorte de cadre de maistrance. Les maîtres entretenus étaient créés. Ils se transformeront deux siècles plus tard, après diverses métamorphoses, en officiers des équipages de la flotte.

Déjà cependant les besoins de faire une plus large place aux hommes de métier apparaissaient de plus en plus nécessaires et, en 1679, le maréchal d’Estrées écrivait à Colbert : « On a sujet de croire qu’il ne serait pas à propos d’exclure ce que l’on appelle les officiers matelots des emplois de lieutenant et enseigne de la marine lorsqu’ils ont un génie plus élevé que les autres. Comme ils sont nés d’ordinaire de gens de métier, ils le savent beaucoup mieux que les gentilshommes, quelque jeunes qu’ils puissent y entrer, sont accoutumés à la patience, sont plus assidus dans les services de bord, moins délicats pour beaucoup d’incommodités et ainsi peuvent donner un merveilleux exemple aux jeunes officiers : ce qui me fait croire que la Marine recevrait un notable avantage si l’on mettait dans le nombre de lieutenants et des enseignes, à peu près quarante de ces officiers matelots que l’on choisirait avec beaucoup de soin, mais que l’on n’élèverait toutefois au-dessus de cette qualité qu’après s’être distingués par un mérite et des actions extraordinaires ».

 

COLBERT  Dans le même esprit, Colbert décidait de réserver 25 places sur 200 dans les gardes-marine aux hommes de rang ou marins de commerce. La place ainsi faite à l’élément roturier peut nous paraître infime mais combien cette décision fut courageuse et téméraire à l’époque où le préjugé de la naissance était si fort et où les quartiers de noblesse mettaient leurs titulaires au-dessus des lois.

Ce préjugé de naissance était même plus puissant à la veille de la Révolution que sous Louis XIV, où Jean Bart, bien que roturier, devint chef d’escadre.

Devant l’accueil hostile des nobles, cette réforme dut d’ailleurs très rapidement être tempérée par l’attribution de la préséance, dans les cérémonies officielles, aux « officiers rouges » (officiers sortant des gardes).

De plus, il devint d’usage courant de réserver les postes de rebut aux « officiers bleus » (officiers de commerce ou sortant du rang).

Le vice-amiral Duguay, du port de Brest, ayant protesté contre la nomination du corsaire morlaisien Cornic-Duchene au grade de lieutenant de frégate, le ministre Moras lui écrivit ces lignes : « La prétention que vous avez de voir constamment les officiers de marine pris dans la noblesse du royaume priverait souvent le roi de la faculté de se procurer des sujets de valeur et de distinction. Elle aurait notamment écarté du service de sa Majesté, les Duguay-Trouin, les Bart et plusieurs autres officiers dont la réputation peut être pour le Corps un juste motif d’émulation ».

Cette hostilité non dissimulée n’empêche pas cependant les officiers bleus de se couvrir de gloire en maintes circonstances. C’est ainsi par exemple que la victoire de Palerme, le 2 juin 1676, fut l’œuvre exclusive des brûlots commandés par les « bleus ».

Les actes de bravoure des corsaires, joints aux services quotidiens rendus à bord des vaisseaux avaient rendu les « bleus » très populaires dans la marine. Aussi, à la veille de la Révolution, Louis XVI créa-t-il, pour donner un débouché aux hommes du rang et aux officiers du commerce, le grade de sous-lieutenant de vaisseau. (Quelques maîtres recevaient le titre de sous-lieutenant de vaisseau sans examen, mais continuaient à remplir les fonctions de leur spécialité). La première promotion dans ce grade ne comprend pas moins de 450 titulaires. Cette mesure démocratique permettait aux roturiers, aux pilotes et aux officiers marchands de parvenir à la qualité d’officier du roi.

 
 

2. Hiérarchie et tableaux d’effectifs

 

Si Colbert lui-même décida d’adjoindre des roturiers « aptes à bien servir » aux officiers nobles, il ne cachait pas sa préférence, cependant, pour ces derniers parce que, disait-il, cela « pare la marchandise ».

D’ailleurs, la hiérarchie était encore à l’époque assez mal définie, et donnait lieu à de nombreux conflits : des lieutenants de vaisseau, par exemple, prétendirent longtemps avoir le pas sur les capitaines de frégate et les enseignes de vaisseau pouvaient accéder directement au grade de capitaine de vaisseau.

La dignité d’amiral, elle-même, qui jusqu’à Richelieu fut, non un grade mais une « charge » juridique à vie, une magistrature achetée à deniers comptants, n’a pas toujours été exclusivement attribuée par la suite aux premiers officiers généraux de l’Armée navale. L’histoire moderne en fournit des exemples nombreux et pour certains d’entre eux, comme l’amiral Amboise, on prouverait difficilement qu’ils aient jamais mis les pieds sur un vaisseau. L’histoire contemporaine a aussi gravé sur ses pages avec le titre de Grand Amiral, les noms de deux princes par la grâce du sabre et par la grâce de Dieu, Murat et le duc d’Angoulème, le premier soldat sans être marin, le second en qualité de vainqueur de Trocadéro.

En 1723, le comte de Maurepas se préoccupa beaucoup de la formation des officiers et développa l’enseignement aux gardes-marine et aux gardes du pavillon. De ce fait, on nota une nette amélioration de l’esprit militaire de nos officiers au cours du XVIIIe siècle.

Au lieu de se confiner comme autrefois dans un rôle de représentation et de commandement militaire, comme leur incompétence les y condamnait, les officiers intervenaient maintenant dans les détails du service ; ils commandaient eux-mêmes les manœuvres, le maître ne faisant que répéter les commandements. Rien ne se faisant sans eux. L’état-major était devenu l’âme du navire.

Par malheur, quand les écoles ainsi réorganisées eurent imposé à tous une formation homogène, se développa en même temps un infernal esprit de coterie, hautain, frondeur, exclusif et jaloux.

Recrutés exclusivement dans la noblesse depuis 1721, les officiers sortis des gardes en arrivèrent à se considérer comme un corps presque souverain.

Les officiers bleus ne sortant pas des gardes, et qu’il avait fallu introduire en grand nombre dans la Marine pendant la guerre, par suite de la faiblesse numérique des cadres, étaient exécrés du Grand Corps.

Les officiers rouges se considéraient comme formant un corps fermé, ayant ses droits, ses usages, presque ses lois.

Contre tous ceux qui n’acceptaient pas ces règles, contre les officiers ne sortant pas des gardes (officiers bleus, c'est-à-dire auxiliaires, élevés à l’entretien en raison de leurs services, ou intrus de l’Armée introduits dans la Marine), l’hostilité était constante et d’une violence que l’on a peine à imaginer.

Cette antipathie se transformait en véritable haine chez ceux qui avaient eu à souffrir de l’arrogance des officiers de vaisseau et faisait d’eux une proie facile pour tous les prêcheurs d’indiscipline à la veille de la Révolution.

Malgré le souci constant manifesté par l’administration d’améliorer la situation de la maistrance au cours de cette longue période, tous les essais tentés pour permettre aux meilleurs éléments d’accéder à la qualité d’officier seront mis en échec par l’hostilité des officiers nobles.

 

 

 

LAMOTTE-PICQUETC’est ainsi qu’après l’institution des « capitaines-matelots », celle des « capitaines d’équipage », œuvre du maréchal marquis de Castries qui aurait assuré l’épaulette aux bons serviteurs comme suprême récompense, ne put fonctionner en présence d’une véritable révolte des officiers rouges, soutenus par Lamotte-Picquet ; celle des sous-lieutenants de vaisseau par laquelle on voulait ménager la fusion des cadres bleus et rouges manqua également son objet : mal accueillis, bafoués, condamnés à un service ingrat et méprisé, les sous-lieutenants conservaient toutes rancunes contre leurs nouveaux camarades et furent les premiers à s’élever contre eux lorsqu’éclata la Révolution. Seule subsistera l’institution des maîtres entretenus.

Les équipages, déjà pénétrés des idées instables du siècle, manifestaient presque hautement leur impatience du joug qu’ils avaient à supporter et la prétention de s’affranchir d’un service où la roture était condamnée à toujours souffrir les rigueurs du métier, sans pouvoir aspirer au moindre des avantages que la profession réservait exclusivement aux privilégiés. Les roturiers défavorisés devinrent rapidement des adeptes fervents des idées nouvelles de liberté et d’égalité, déjà très en faveur à la fin du siècle.

C’était une marine révolutionnaire que nous avions et, tout en servant encore avec obéissance sous les ordres des Orvilliers, des Guichen, des Suffren, les officiers bleus et les maîtres de nos vaisseaux de guerre pressentaient le moment où l’égalité, préconisée par l’esprit du siècle, les appellerait à secouer le joug de la noblesse et les privilèges qu’ils ne supportaient qu’avec répugnance. Notre Marine subalterne était donc acquise d’avance à la révolution et elle n’eut que peu de choses à faire pour passer un peu plus tard de la domination monarchique sous le régime de l’égalité républicaine.

Aussi, la Révolution de 1789 allait-elle ouvrir la carrière à des enfants du peuple, et l’on vit s’y précipiter des pilotes et des premiers maîtres des vaisseaux de l’Etat, ainsi que des officiers de la Marine marchande qui se signalèrent par de beaux faits d’armes dans les guerres maritimes de la République et de l’Empire.

 

 

WILLAUMEZ C’est ainsi que le vice-amiral Willaumez, né à Belle-Ile en mer le 7 août 1763 débuta comme mousse à l’âge de 14 ans et servait en qualité de premier maître quand éclata la Révolution.

Une telle révolution n’était d’ailleurs pas particulière à la Marine française.

C’est ainsi également, en effet, que débuta Nelson en Angleterre. A 19 ans, fait peut-être sans précédent dans notre histoire, il était déjà premier pilote et devint enseigne de vaisseau lorsqu’éclata la Révolution de France.

Acceptés par nécessité par les gouvernements monarchiques qui leur devaient une bonne part de leur gloire militaire, les bleus devaient naturellement être l’objet de la sollicitude des législateurs de la Révolution.

Tout d’abord un décret du 29 avril 1791 dissout l’ancien corps et décide que le personnel officier, auquel n’avaient accès jusque là que les fils de bonne naissance sera recruté désormais par un concours public ouvert à tous les jeunes gens de 15 à 20 ans sans distinction d’origine.

Ce texte fixe les nouveaux cadres à 1201 officiers proprement dits : 3 VA, 18 CA, 180 CV, 800 LV et 200 EV ; et à 166 maîtres entretenus : 50 équipage, 60 canonniers, 38 charpentiers et 18 voiliers.

C’est déjà un début et, bien que les maîtres entretenus ne soient pas à proprement parler des officiers, ils figurent néanmoins dans un texte fixant les cadres.

Une loi du sixième jour complémentaire An IV décide que les places de maîtres entretenus ne seront plus attribuées par voie d’élection mais données au choix, eu égard à l’ancienneté de service, à la bonne conduite et aux preuves de zèle et d’activité. La loi du 3 Brumaire An IV précise les conditions de ce choix.

LATOUCHE TREVILLE L’Empire continua la tradition révolutionnaire mais la Restauration, par une mesure inverse, rappela de l’étranger les nobles émigrés tandis qu’elle renvoyait en demi-solde dans leurs foyers les officiers serviteurs du précédent régime.

Les bleus reviennent en faveur sous la Monarchie de juillet et l’article 7 de la loi du 20 avril 1832 stipule que les premiers maître de marine sont susceptibles de passer « lieutenants de frégate » (enseigne de vaisseau) après avoir accompli deux ans de service dans leur grade à bord des bâtiments de l’Etat, dont une campagne sur un vaisseau ou une frégate, et subi avec succès un examen théorique et pratique.

Bien que le bénéfice de cette loi ne s’étendit qu’aux spécialités qui comportaient le grade de premier maître à cette époque (timonerie, manœuvre, canonnage et mousqueterie) et que l’obtention du grade de premier maître fût déjà chose ardue, l’accession des hommes du rang se trouvait cependant ainsi nettement formulée.

Après la guerre de Crimée, il y eut en France un réveil de l’esprit maritime, après les brillantes opérations de la mer Noire, de la Baltique et de l’Océan. Aussi, le Second Empire, qui d’ailleurs avait mis les questions maritimes à l’étude dès ses premiers jours, imprima à notre marine une impulsion et un essor dignes des plus beaux jours de notre histoire.

 

3.- Des maîtres entretenus aux adjudants principaux

 
                                        Annuaire 1867
 

Une décision du 4 juillet 1850 fixe l’uniforme des maîtres entretenus : redingote en drap bleu, semblable pour la forme à celle des officiers, ne dépassant pas le genou, pantalon bleu ou blanc suivant la saison, gilet en drap bleu pour l’hiver et en piqué blanc pour l’été, casquette en drap bleu conforme au modèle adopté pour les officiers et aspirants, galon d’or de 3 mm de large sur les parements de la redingote et sur la cuve de la casquette.

Le décret organique du 5 juin 1856 permet aux premiers maîtres mécaniciens d’accéder à l’emploi de maître entretenu, au même titre que les premiers maîtres de manœuvre, de canonnage, de charpentage, de calfatage et de voilerie et, une modification du 13 mai 1863 autorisera les candidats à remplir les deux ans de navigation exigés à bord de tout bâtiment à voiles ou à vapeur et non plus seulement sur les vaisseaux et les frégates.

Une circulaire du 17 juin 1861 rappelle le soin qui doit être apporté à l’établissement des états de proposition pour l’emploi de maître entretenu sous peine de compromettre les intérêts d’une classe intéressante de la maistrance des équipages de la flotte, placée en concurrence pour l’emploi en question avec les contremaîtres des arsenaux.

Enfin, dans un rapport à l’Empereur du 14 juin 1865, le ministre de la Marine, le comte de Chasseloup-Laubat, expose qu’il y a dans notre maistrance des officiers mariniers d’élite, que leur bonne conduite, leur talent et leur intelligence font arriver au grade de maître entretenu.

Il souligne que dans le service des mouvements des ports, ces maîtres ont à remplir des fonctions fort importantes puisqu’ils sont préposés aux mouvements des navires ou placés à la tête des ateliers de garniture et de voilerie.

Il ajoute que quelques uns de ces gradés, particulièrement bien doués par la nature, possèdent des connaissances qui les rendent dignes d’une situation plus élevée que celle de maître entretenu à laquelle s’arrête leur carrière.

Il estime qu’il serait juste d’ouvrir de plus larges perspectives à ces excellents serviteurs et que, soit pour leur donner une lus grande autorité, soit pour récompenser d’excellents et anciens services, le titre et les fonctions de maître principal qui seraient donnés à quelques uns d’entre eux ne peuvent qu’offrir de sérieux avantages.

En conclusion, sept places seulement leur sont offertes : deux de 1ère classe et cinq de 2ème classe. Retenez bien ces chiffres !

Une circulaire du 14 mars 1867 assimile les maîtres principaux aux conducteurs principaux du personnel des forges et fonderies de la Marine au point de vue de la retraite et prévoit qu’en cas d’embarquement sur les bâtiments de la flotte, ils doivent être admis à la table de l’état-major.

BIBLE 1899

Ainsi donc une nouvelle étape est franchie et si la hiérarchie des maîtres principaux ne comporte pas encore d’assimilation aux grades militaires, nous constatons qu’ils sont déjà, à divers égards, traités comme des officiers (uniforme, admission aux tables, frais de route, etc.). Ils figurent d’ailleurs nominativement sur l’Etat du personnel de la Marine du 1er septembre 1867 qui constituait l’annuaire des officiers à cette époque.

Un décret du 7 août 1873 créa l’emploi de fourrier-chef.

Ce décret avait pour but d’améliorer la situation d’un personnel d’élite dont le recrutement ne s’opérait qu’avec une extrême difficulté. Les jeunes gens instruits nécessaires pour constituer le cadre des fourriers trouvaient dans le commerce et dans les administrations publiques un emploi de leurs facultés plus avantageux que celui que pouvait leur offrir la Marine. Ils s’empressaient de quitter le corps des équipages de la flotte dès qu’ils avaient terminé la période légale. Mais on ne s’explique pas pourquoi les fourriers-chefs, employés militaires (au même titre que les maîtres entretenus et les maîtres principaux), qui ne font pas partie du cadre de maistrance, qui portent l’uniforme de maître principal, en touchent la solde et ont besoin d’une grande autorité, étaient classés dans l’ordre hiérarchique après la plupart des premiers maîtres !

Ils conservaient par contre, droit aux chevrons, aux vivres, aux frais de logement, que ne touchaient ni les maîtres principaux des DP ni ceux des divisions ni les pilotes-majors.

Enfin, autre pas en avant, un décret du 26 octobre 1882 prononce la militarisation des maîtres entretenus et des maîtres principaux des directions de mouvements des ports et leur donne le titre d’adjudants principaux sans modifier leurs fonctions dans l’exercice du service journalier. Ce personnel se recrute désormais exclusivement parmi les premiers maîtres de la flotte, les contremaîtres des arsenaux continuant d’accéder aux emplois de maîtres entretenus des constructions navales et de l’artillerie navale.

L’article 7 de ce même décret précise que les adjudants principaux ont autorité sur les premiers maîtres et les adjudants de troupe. Mais il ajoute que leur hiérarchie est toute spéciale et ne comporte pas d’assimilation aux grades militaires.

Or c’est justement ce défaut d’assimilation qui rend absolument illusoire l’autorité dont il est question car ne correspondant pas à un grade affirmé par la loi.

 

 

ADJUDANT PRINCIPAL Il est inadmissible, d’autre part, que l’adjudant principal n’ait droit à la fin de sa vie qu’aux mêmes honneurs rendus aux seconds maîtres (décret du 22 octobre 1883, sur le service des places). Dans l’Armée, les adjudants principaux sont assimilés d’emblée aux sous-lieutenants.

Dans la Marine, à part quelques légers avantages de solde, la création des adjudants principaux n’a donné pratiquement aux premiers maîtres qui en ont profité aucune augmentation de considération, aucune satisfaction morale.

 
 

4. – L’accès à l’épaulette

 

A partir de 1883, nous entrons d’ailleurs en ce qui concerne le recrutement du personnel officier par le rang dans une période restrictive.

Les amiraux-ministres qui ont dirigé le département de la Marine jusqu’en 1900-1901 vont s’appliquer, sinon à détruire, du moins à freiner par des mesures détournées les dispositions démocratiques antérieures ; non toutefois sans les dissimuler sous des apparences libérales.

On semble entrebâiller comme à regret la porte d’accès des premiers maîtres au grade d’officier. Les bienfaits de l’institution sont plus apparents que réels.

 A partir de 1885, tout ce personnel d’employés militaires sera traité de la même façon.

Un décret du 5 juin 1888 permet cependant l’accession des premiers maîtres de mousquetterie au grade d’adjudant principal pour le service des divisions (Dépôt des équipages de la flotte). Les adjudants principaux de division, au nombre de dix, sont destinés à remplir les fonctions d’adjudant de quartier, ou, sur l’ordre du ministre, tout autre service de leur compétence.

Un décret du 5 novembre 1888 créait une nouvelle catégorie d’employés militaires, les adjudants principaux comptables.

Ces nouveaux employés militaires prennent rang après les adjudants principaux des divisions et les pilotes-majors créés par décret du 5 juin 1888 ; mais, pas plus que leurs devanciers, ni les premiers maîtres des différentes spécialités dont ils proviennent par avancement, ils ne peuvent aspirer sous l’empire de la législation en vigueur, à devenir officiers. Une volonté supérieure semble vouloir continuer à maintenir cette catégorie de personnel dans une situation hybride, imprécise.

Les cadres sont fixés comme suit :

23 adjudants principaux de direction du port (26 octobre 1882)

5 adjudants principaux torpilleurs (3 avril 1886)

10 adjudants principaux de division (5 juin 1888)

54 adjudants principaux comptables (5 novembre 1888)

se répartissant en

21 adjudants principaux de 1ère classe

35 adjudants principaux de 2ème classe

36 adjudants principaux de 3ème classe

soit 92 au total auxquels il convient d’ajouter deux pilotes-majors ayant rang d’adjudant principal de 1ère classe (décret du 5 juin 1888).

Mais déjà les autres spécialités réclament également l’avantage de voir créer en leur faveur le grade d’adjudant principal. Celles-là sollicitent cette faveur qui ne peuvent prétendre aux emplois de maîtres entretenus des arsenaux.

Notons qu’à la même époque le nombre d’officiers de marine provenant des premiers maîtres était de :

-         un capitaine de vaisseau

-         quatre capitaines de frégate

-         vingt-six lieutenants de vaisseau

-         vingt enseignes de vaisseau.

Un décret du 17 novembre 1895 refondit et condensa toutes les règles relatives aux adjudants principaux (composition, avancement, retraite) et ajouta aux spécialités pouvant y prétendre les pilotes-majors et les infirmiers.

La spécialité de la timonerie restait seule sans débouché puisque les canonniers, les charpentiers, les voiliers et les commis aux vivres pouvaient prétendre aux emplois de maîtres principaux des arsenaux. Quant aux mécaniciens, il n’avait pas paru utile de les comprendre dans cette réorganisation puisque le corps des officiers mécaniciens était exclusivement recruté parmi les premiers maîtres de cette spécialité et leur permettait ainsi un débouché constant et assuré.

Cependant, le développement de l’esprit démocratique dans le pays, s’ajoutant à l’accroissement des besoins d’encadrement des équipages, par suite de l’augmentation des effectifs et des perfectionnements apportés au matériel naval, conduira les autorités maritimes à s’occuper de l’amélioration de la situation du personnel en général et des officiers mariniers, en particulier.

LANESSAN  C’est alors que le contre-amiral Vallon et M. de Lanessan, députés, déposèrent le 14 mars 1891, une proposition de loi ayant pour but de donner l’état d’officier aux employés militaires des équipages de la flotte en déclarant qu’il convient d’accorder aux officiers mariniers autrement qu’en paroles, la considération à laquelle ils ont droit par leur valeur, leur âge et l’ancienneté de leurs services.

Ils imputent au découragement le départ de la Marine, au fort de leur activité et en possession d’une instruction longuement acquise et chèrement payée par l’Etat, de nombreux officiers mariniers susceptibles, pendant plus de dix ans encore, de rendre les meilleurs services à la Flotte.

Ils attribuent ce découragement de l’officier marinier à la pensée qu’il sera toute sa vie « quelque chose » sans jamais devenir « quelqu’un ».

Ils estiment qu’en créant les employés militaires et en leur donnant la dénomination d’adjudants principaux, on n’a pas remédié à ce malaise. Ils proposent en conséquence que les employés militaires soient assimilés aux employés militaires de l’artillerie de marine (gardes principaux et gardes) et demandent que cette réparation soit immédiate en raison de l’âge et des services de ceux qui sont appelés à en profiter.

Ils pensent que c’est le véritable débouché à ouvrir aux premiers maîtres dont un trop petit nombre parvient à l’épaulette et que la Marine sera fière de ces nouveaux « officiers pratiques », tout préparés, au moment d’une guerre, à assurer la mobilisation de l’armée de mer et supérieurement aptes à tous les services dans les divisions et les arsenaux, à défaut des officiers appelés à la mer. Restant attachés au même poste dont le chef, officier de marine, est soumis à de fréquentes mutations, ils conservent la tradition. Aussi le moment leur semble venu de donner aux intéressés une satisfaction conforme à leur mérite.

Le gouvernement fut ainsi amené à s’occuper de cette question et apporta à la commission un texte qui devint l’article 16 de la loi du 10 juin 1896. Ce texte créait, pour aider les officiers de marine dans leurs fonctions, un corps d’employés militaires dénommés adjudants principaux et pilotes-majors et leur accordait le bénéfice de la loi du 19 mai 1834, sur l’état d’officier. Ils avaient donc enfin rang d’officier, mais leur hiérarchie était spéciale et ne comportait aucune assimilation aux autres grades d’officiers de l’armée de mer. (Cette assimilation ne sera acquise que vingt et un an plus tard par la loi du 16 juin 1917.

Leur hiérarchie était la suivante :

-         adjudant principal et pilote-major de 1ère classe

-         adjudant principal et pilote-major de 2ème classe

-         adjudant principal et pilote-major de 3ème classe

-         adjudant principal de 4ème classe

-         adjudant principal de 5ème classe.

Ainsi, tout en faisant à ces employés militaires une situation en harmonie avec le rang d’officier qui leur était enfin attribué, il n’était pas établi, pour le règlement de diverses questions les concernant, de parallélisme entre les diverses classes et les grades de la hiérarchie des officiers.

Les adjudants principaux n’étaient pas tenus aux marques extérieures du respect envers les aspirants de 1ère classe (aujourd’hui EV2) et assimilés mais ils prenaient rang (manœuvriers et timoniers) dans l’ordre de succession au commandement après ces mêmes aspirants de 1ère classe et ils devaient le salut à tous les officiers à partir du grade d’enseigne de vaisseau de 1ère classe.

L’effectif du corps fut fixé à soixante-treize par un décret du 10 août 1896. Cet effectif a été régulièrement prévu au budget et accordé par le parlement pour les années 1897, 1898 et 1899.

Le même décret spécifie que les adjudants principaux portent l’uniforme réglementaire des officiers de marine, à l’exclusion des vêtements de grande tenue.

Ils portent deux contre-épaulettes.

Leurs marques distinctives sont les suivantes :

-         1ère classe : 3 baguettes en or avec dents de scie, sans câble ;

-         2ème classe : 2 baguettes en or avec dents de scie, accompagnées d’un câble en dessous ;

-         3ème classe : 1 baguette en or avec dents de scie, accompagnée de deux câbles ;

-         4ème classe : 1 baguette en or avec dents de scie, accompagnée d’un câble ;

-         5ème classe : 1 baguette en or avec dents de scie, sans câble.

Ces baguettes à dents de scie sont tournées vers l’intérieur pour les parements et vers le bas pour la casquette.

Enfin, les premiers maîtres de canonnage, de charpentage, de voilerie et de vivres peuvent toujours être proposés pour l’emploi de maître entretenu dans les directions d’artillerie, des constructions navales et des susbistances.

 
 

5.- Une centaine d’adjudants principaux

 

Un décret du 1er août 1899, destiné à remplacer celui du 10 août 1896, porte l’effectif primitif à 110 unités mais, en 1900, le Parlement obéissant à on ne sait quelles pressions, n’accorde de crédits que pour soixante-quatorze adjudants principaux, soit seulement un de plus que les années précédentes.

Ce décret du 1er août 1899 prévoyait l’accession au grade d’adjudant principal de 5ème classe ou de pilote-major de 3ème classe aux premiers maîtres de manœuvre, de timonerie, de canonnage, de mousqueterie, torpilleurs, fourriers, charpentiers, voiliers et infirmiers.

Seuls, les premiers maîtres commis aux vivres étaient mis à l’écart et depuis le décret du 15 janvier 1900, créant les agents techniques, l’accès aux postes de maistrance des arsenaux leur était également fermé.

En 1901, le Département, qui se préoccupe sérieusement de la question de l’amélioration de la situation des adjudants principaux, prévoit à nouveau cent-dix unités, mais derechef, la Commission du budget intervient et n’autorise qu’une augmentation de neuf unités, ce qui portait l’effectif à quatre-vingt-trois.

Le 17 décembre 1901, M. de Lanessan, ministre de la Marine, déposa un projet de loi ayant pour but de faire attribuer à ce personnel, sous la dénomination d’ « Officiers des équipages de la flotte » des avantages d’assimilation et de hiérarchie analogues à ceux qui avaient été accordés par la loi du 2 juillet 1900 aux officiers d’administration du Département de la Guerre.

Ce projet, adopté par la Chambre des députés dans sa séance du 24 janvier 1902, fut retiré au Sénat le 9 mars 1903.

En 1905, la Marine prépara un nouveau projet de loi ayant pour but de modifier non seulement l’appellation des adjudants principaux en y substituant celle de maître principal à celle d’Officier des équipages, mais encore la hiérarchie de ce personnel en lui appliquant certaines des dispositions antérieurement prévues pour la correspondance de grade par le projet de M. de Lanessan mentionné ci-dessus.

Bien que le nouveau texte proposé constitua un recul par rapport au projet du 17 décembre 1901, le ministre des Finances à qui il fut soumis pour contreseing, le renvoya le 13 janvier 1906, en faisant connaître que les différentes observations provoquées par son examen ne lui permettaient pas d’en accepter le principe.

Entre temps, des parlementaires proposaient d’attribuer le titre d’ « Officier d’administration » aux adjudants principaux de préférence à celui d’Officier des équipages. La Marine écarta cette appellation, dévolue, disait-elle, aux officiers du Commissariat de la marine embarqués.

ABJEAN 1911 

Officier des Equipages au début du XXème siècle.

Cette proposition fut néanmoins reprise lors de la discussion du budget de l’exercice 1904 par le député H. Leygues (ne pas confondre avec Georges Leygues). Elle se motivait par le fait que la qualification d’Officier d’administration ayant été enlevée aux commissaires par un décret du 9 janvier 1902, l’argument précédemment invoqué par la Marine pour y faire échec n’était plus valable. Aucune suite n’y fut donnée par le Parlement.

En 1903, le Parlement maintint l’effectif réglementaire des adjudants principaux à quatre-vingt-trois ; mais en 1904, trois adjudants principaux fourriers furent supprimés et l’effectif total de ce personnel se trouva ainsi ramené à quatre-vingt et maintenant à ce chiffre en 1905, 1906 et 1907.

Mais si nous examinons l’annuaire de la Marine pour l’année 1905, nous constatons que soixante adjudants principaux seulement y figurent alors que des crédits pour un effectif de quatre-vingt sont inscrits au budget et qu’il n’a été fait aucune nomination dans le corps depuis le 1er janvier 1903. Ceux qui ont disparu par décès ou retraite n’ont pas été remplacés.

Que s’était-il donc passé ?

Sur le rapport de M. H. Leygues, député, rapporteur du budget de la Marine pour l’exercice 1903, et en accord avec le ministre, la Commission du budget avait adopté une résolution tendant à l’extinction progressive du corps des adjudants principaux et à l’accélération de l’avancement au grade de premier maître. La commission adoptant les conclusions d’une requête émanant de l’Association républicaine des retraités de Lorient, estimait avec celle-ci que la création du grade d’adjudant principal :

-         enlevait de nombreux postes à terre aux premiers maîtres ;

-         retardait d’autant l’avancement à ce grade ;

-         empêchait les premiers maîtres fatigués par les campagnes de venir se reposer (sic) dans des postes à terre ;

-         et constituait en somme un privilège abusif accordé à une minorité au détriment de la masse.

Cette résolution fut renouvelée en 1904, sur proposition de M. Messimy, rapporteur du budget.

Cette situation n’échappa d’ailleurs pas en 1905 à l’attention du nouveau rapporteur du budget de la Marine. Il fit observer qu’en arrêtant complètement les nominations au grade d’adjudant principal on avait jeté le découragement parmi les officiers mariniers qui, candidats à ce grade, s’en trouvaient privés, en dépit de la loi et déclara qu’il était inadmissible de « poursuivre de la sorte la suppression d’un corps ayant une existence légale et dont l’utilité ne saurait être méconnue ».

Cependant, un décret du 4 mars 1907, en attribuant aux adjudants principaux un uniforme analogue à celui des officiers de marine, avec deux ou trois galons de grade, suivant la classe, viendra rehausser leur prestige.

En 1908, la solde de quatre-vingt-dix adjudants principaux a été inscrite au budget.

Le Département prévoit qu’en 1910 le chiffre de cent-dix fixé par le décret du 1er août 1899, pourra être atteint. Une nouvelle augmentation de dix unités étant inscrite au projet de budget de 1909.

Dans son rapport de présentation de ce budget, M. Chautemps, sénateur, estimera d’ailleurs cet effectif insuffisant, pour donner à six mille officiers mariniers le couronnement de carrière qu’ils méritent.

 
 
 
6.- Assimilation des grades
 

A la même époque, l’Angleterre compte dix-sept cent warrant-officers (officiers des équipages).

MASTER 1795 1807

Au budget général de l’exercice 1910, l’effectif des adjudants principaux, pilotes majors et chefs de musique est de cent. Dix nouvelles unités sont demandées en accroissement d’effectif.

Mais, malgré les incontestables avantages qui ont été accordés par la loi du 10 juin 1896 aux adjudants principaux leur situation reste des plus mal définies.

En dépit de leur titre d’adjudant qu’on s’obstine à leur maintenir et qui prête à confusion, ils sont en réalités des officiers soumis à la loi du 19 mai 1834 et régis comme les officiers de marine. La loi de 1896 dit qu’ils sont faits pour seconder les officiers de marine ; mais les adjudants principaux infirmiers secondent les officiers du corps de santé et les fourriers secondent les officiers du commissariat.

Enfin, ces officiers, qui sont assimilés pour la retraite aux commissaires, n’ont pas de correspondance de grade et leur situation hiérarchique vis-à-vis des autres officiers n’est pas définie. Aussi, lors d’un incident où un officier à deux galons et un adjudant principal de 2ème classe (3 galons) étaient en cause, il a été impossible de déterminer juridiquement si ce dernier était l’inférieur, le supérieur ou l’égal du premier.

De tels faits mettent en lumière la nécessité de donner la correspondance de grade complète aux adjudants principaux et de leur établir, avec une dénomination appropriée, une hiérarchie propre.

Aussi, M. Chautemps, sénateur, qui fut sans interruption rapporteur du budget de la Marine de 1909 à 1914, demanda-t-il à plusieurs reprises que les projets visant à améliorer la situation hybride et indéfendable créée en 1896, soient poursuivis et menés à bonne fin le plus rapidement possible. Il proposa d’écarter catégoriquement l’appellation de « maître principal » qui figurait au projet de 1905 et de revenir à la dénomination d’officier des équipages proposée par M. de Lanessan dans son projet de 1901.

Il préconisa également d’affecter des adjudants principaux à des postes à terre, non seulement en France mais aussi dans nos points d’appui d’outre-mer (Bizerte, Saïgon, Dakar, etc.) et d’envisager l’embarquement à la mer d’adjudants principaux de certaines spécialités. Il suggéra aussi d’augmenter les cadres de ce personnel pour permettre de faire rentrer dans la normale d’effectif alors excédentaire des enseignes de vaisseau, au détriment de l’avancement de ces officiers.

Une commission de réorganisation du personnel présidée par l’amiral Germinet avait étudié toutes ces questions.

M. Chautemps demanda qu’une suite fut donnée aux propositions de cette commission et que fussent modifiés, comme elle le proposait, les programmes des examens pour le grade d’adjudant principal qui étaient vraiment trop sommaires à cette époque et qui devraient être subis chaque année devant une commission unique.

Il estima aussi qu’il serait logique de prévoir pour les pilotes-majors le même nombre de classes que pour leurs collègues des autres spécialités.

M. Painlevé, député, au cours de la deuxième séance du 11 février 1912 à la Chambre fit savoir qu’à son avis également la réorganisation du corps des adjudants principaux sur des bases plus larges et plus logiques était une question fondamentale qu’il faudrait régler par une loi spéciale.

Le budget de 1913 prévoit une augmentation de trente-six unités de l’effectif des adjudants principaux pour permettre à la fois de suppléer à l’insuffisance numérique des lieutenants de vaisseau et de réduire le nombre des enseignes de vaisseau en excédent à l’effectif légal au détriment de leur avancement.

Un projet de loi des cadres, déposé par le Département et qui deviendra la loi du 16 juin 1917, prévoit un nouvel accroissement du corps des adjudants principaux – devenus « officiers des équipages de la flotte » en vertu de la loi des pensions du 30 décembre 1913 – et leur attribue de nombreux emplois dans les services à terre et les écoles, en remplacement de lieutenants de vaisseau et surtout d’enseignes.

 

 

 MUTATION 1900

Cette loi du 30 décembre 1913 répartit comme suit les cinq classes d’adjudants principaux en classes correspondantes d’officiers des équipages de la flotte :

-         officier principal : 4 galons ;

-         officier de 1ère classe : 3 galons et 3 boutons sur les pattes des manches ;

-         officier de 2ème classe : 3 galons et 2 boutons sur les pattes des manches ;

-         officier de 3ème classe : 2 galons et 3 boutons sur les pattes des manches ;

-         officier de 4ème classe : 2 galons et 2 boutons sur les pattes des manches.

La loi du 16 juin 1917 réduisit à trois les grades des officiers des équipages et les assimila comme suit :

-         officier principal : capitaine de corvette ;

-         officier de 1ère classe : lieutenant de vaisseau

-         officier de 2ème classe : enseigne de vaisseau.

Quant aux effectifs du corps, ils furent portés successivement à :

-         179 en 1916 ;

-         209 le 14 avril 1917 ;

-         250 le 16 juin 1917 ;

-         280 le 31 juillet 1919.

Un projet de loi déposé en 1927 et qui deviendra la loi du 4 mars 1929 envisageait, pour éviter une augmentation trop forte des officiers subalternes de marine et un ralentissement de leur avancement, l’augmentation des cadres des officiers des équipages de quelques unités des spécialités du pont susceptibles de remplacer numériquement les lieutenants de vaisseau et des enseignes de vaisseau dans certains emplois à terre ou à la mer.

En effet, tous les officiers de marine sortant des écoles, il paraissait anormal de considérer certains d’entre eux comme astreints à rester dans les cadres inférieurs jusqu’à l’âge de la retraite. Cet argument sera d’un grand poids pour justifier l’augmentation des cadres des officiers des équipages de la flotte.

L’effectif proposé était de 335. Ce chiffre fut porté à 340 par une augmentation de 5 officiers des équipages mécaniciens.

Le projet visait également la création d’un grade d’officier temporaire pour satisfaire aux besoins de l’aéronautique. Combattue par le Département, cette disposition fut remplacée par une demande d’augmentation du corps des officiers des équipages de cinquante unités exclusivement affectées à l’aéronautique.

Finalement, l’effectif du corps était porté à 392 officiers dont cinquante aux spécialités de l’aéronautique, quarante-cinq mécaniciens du service général et deux chefs de musique.

Mais ce rapport ne prévoyait pas la création du grade d’officier en chef. Ce fut seulement le 20 décembre 1928 que M. Martin-Binachon déposa, au cours de la discussion du projet devant le Sénat, un amendement tendant à la création de ce grade dans le corps des officiers des équipages, des officiers d’administration et des ingénieurs des directions de travaux. L’amendement adopté par le Sénat, revint à la Chambre qui le vota à son tour.

Cette initiative du Sénat s’inspirait de la création du Département de la Guerre, par la loi du 28 mars 1928, du grade de lieutenant-colonel pour ses officiers d’administration.

Dans une note du 25 juillet 1928, la Marine protestait contre cette initiative, estimant que la création de ce grade dans l’armée de Terre, ne suffisait pas à justifier une mesure analogue dans la Marine et que le quatrième galon suffisait pour couronner une carrière. Elle faisait observer qu’en cas de création de ce grade, il faudrait renoncer à limiter la hiérarchie dans les corps intéressés et qu’on serait fatalement conduit à leur accorder ultérieurement le grade de colonel, voire celui d’officier général.

Toutefois, cette note concluait qu’en tout état de cause, la hiérarchie du corps des officiers des équipages devait être identique à celle des officiers d’administration et des ingénieurs des directions de travaux.

Un nouvelle note plus conciliante du 17 août suivant, répétait que la création du grade d’officier en chef dans le corps des officiers des équipages ne répondait à aucun besoin ; qu’elle se justifiait seulement non par des raisons tirées de l’intérêt du service, mais uniquement par la nécessité de traiter les officiers des équipages aussi favorablement que les officiers d’administration et les ingénieurs des directions de travaux.

Compte tenu de diverses modifications intervenues de 1930 à 1938, l’effectif global du corps fut porté à 446 par la loi du 2 mars 1938, comme conséquence d’une augmentation de quatre unités prévue pour la spécialité d’hydrographe.

Cet effectif est réduit à 433 au budget de 1947, puis passe à 483 en 1948, à 543 en 1951, à 588 en 1952.

Une loi du 29 février 1952 autorise le remplacement provisoire de cinquante enseignes de vaisseau de 1ère classe par cinquante officiers de 2ème classe des équipages de la flotte. L’effectif total du corps est ainsi porté à 638 en 1952 et maintenu à ce niveau jusqu’en 1953. En 1954, l’effectif passe à 688, chiffre reconduit jusqu’en 1959. Pour 1960 et 1961, l’effectif est porté à 698.

OE BOUGAULT 

Un OE pionnier de l'aéronautique navale.

  Entre temps, poursuivant avec patience et obstination les autres objectifs qu’elle s’était fixés, notre association amicale parvenait, après divers échecs, à vaincre les oppositions et à créer un climat favorable à sa cause. Elle obtenait, par arrêté ministériel du 1er juin 1954, la suppression des « pattes » de manche et leur remplacement par un parement bleu-marine bordant les galons d’or.

Enfin, à la suite des démarches entreprises par l’association tant auprès du Département de la Marine qu’auprès des commissions du Parlement, les officiers des équipages obtenaient l’alignement de la pyramide des grades du corps sur celle fixée pour les officiers d’administrations et les ingénieurs des directions de travaux par la loi de finances du 2 avril 1954.

 
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